Par Fayçal Oukaci
Journaliste, spécialiste des questions de sécurité
Occulté par les deux guerres, en Ukraine et à Gaza, le dossier libyen est l’autre guerre oubliée. Espace maghrébo-saharo-sahélien situé dans la périphérie géographique est de l’Algérie, elle constitue une aire de jeu dangereux pour plusieurs puissances étrangères, dont les intérêts, les objectifs et les outils divergent, faisant s’enfoncer la Libye chaque jour un plus dans le chaos et la fracture.
Et c’est dans le cadre de la visite qu’il effectue à New York, que le ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Ahmed Attaf, a reçu à la mission algérienne à l’ONU l’envoyé spécial des Nations Unies pour la Libye, Abdoulaye Bathily.
Cet entretien intervient après que Bathily a remis son dernier rapport au Conseil de sécurité.
Le dossier épineux de la Libye et la difficulté de le faire bouger d’une once a fait que l’envoyé spécial pour l’ONU ait annoncé sa démission.
En réalité, ce qui se passe en Libye interpelle l’Algérie de manière directe. Le conflit Dbeibeh-Haftar cache beaucoup de choses, beaucoup d’arrière-fonds et de sous-entendus. Le maréchal Khalifa Haftar agit pour des objectifs qui ne sont, sous certains angles, ni au bénéfice du peuple libyen ni au bénéfice du voisinage immédiat.
Le dossier libyen, l’autre bombe à retardement
On comptait sur la présidentielle, en 2022 pour sortir de l’ornière, mais l’organisation de celle-ci a été mis entre parenthèses par les alliés de Haftar.
Relancée, la présidentielle du 24 décembre offrait plusieurs voies, mais déjà il s’avère qu’elle ne sera pas tenue dans les délais impartis. En plus de permettre aux Libyens eux-mêmes de s’exprimer librement et de sortir avec un gouvernement légitime et crédible, qui puisse les représenter sereinement au sein de la communauté internationale, la présidentielle laissait entrevoir d’autres solutions concernant la paix et la stabilité au Maghreb, largement déstabilisé par la présence de l’entité sioniste et par la montée au créneau de forces anticonstitutionnelles sournoisement encouragé par un jeu de stratégies qui n’échappe à personne.
Duels à distance
Les duels politiques-militaires directes ou à distance en Libye ont fait que la première de ces retombées consistait à entraver la tenue des élections présidentielle et législatives et à torpiller l’Accord politique signé à Genève et à Tunis ainsi que la scission à nouveau des institutions du pays, essentiellement le Parlement lui-même, qui sera suivie de la formation d’un gouvernement dans l’est, une mesure qui avait fait l’objet d’une menace, à maintes reprises auparavant de la part de Aguila Salah.
Aujourd’hui, il est dit que tout dépendra d’un côté des jeux d’alliances au sein des parties en lice en Libye, mais surtout appuis des puissances étrangères agissant sur les Libyens : les Emirats, Qatar, l’Arabie saoudite, la Russie, Israël, la France, etc.
Le jeu trouble de Haftar, avec des mercenaires qui font du va et vient Fezzan-Tchad-Soudan, peut s’avérer en fin de parcours dangereux, d’où tout l’intérêt de baliser sa démarche politique par des gardes-fous onusiens et légalistes, dont l’organisation urgente d’une présidentielle qui mettrait fin à l’anarchie de plus en plus croissante et qui peut déborder sur une guerre civile à tout moment.
De ce jeu de Monopoly dépendra en grande partie la stabilité du Maghreb tout entier. Ou sa déstabilisation.