Construire africain: le ton est donné; on n’y est pas encore, mais on le sera bientôt. La révolte africaine n’est pas que politique et économique, elle est également sociale, sportive, écologique, urbanistique et culturelle.
Construire africain, pourquoi?
Dans les écoles que Kéré a fait construire, tous les enfants peuvent se concentrer sur leurs études parce qu’il y fait 25 degrés, même lorsque, à l’extérieur, il en fait 40. Grâce à l’utilisation intelligente de matériaux locaux, notamment l’argile, et de techniques de climatisation naturelle – double toiture, façades percées, bassines d’eau fraîche au pied des cheminées, l’air chaud monte, l’air froid descend.
« Il n’y a jamais eu de débat sur la manière dont nous adoptons, en Afrique, dit l’architecte burkinabé; cette architecture venue du Nord, inadaptée à nos réalités climatiques et économiques. Les bâtiments sont en béton, tout le ciment est toujours importé. Tous les acteurs de la filière sont influencés ou venus d’Occident, et toutes les décisions sont prises au niveau gouvernemental, loin des usagers. Il faut maintenant rendre la pratique de l’architecture accessible à la population.
« Cela passe par des écoles, et des pratiques qui ne sont pas copiées-collées mais imaginées à partir du terrain. En Afrique, nous avons construit trop d’éléphants blancs, ces projets mirages qui n’ont rien à voir avec la réalité locale, ces projets qui ne font qu’entretenir la nécessité de faire venir des experts et n’apportent rien à la culture locale.
Construire en terre crue en Afrique subsaharienne
Image de ce retour aux sources africaines, la Grande Mosquée Djingareyber de Tombouctou (Mali), une des trois grandes mosquées de Tombouctou (Djingareyber, Sankoré et Sidi Yahya). Elle a été construite entre 1325 et 1327 sous le règne de l’empereur de Kankan Moussa puis reconstruite et agrandie entre 1570 et 1583 par l’Imam Al Aqib, Cadi de Tombouctou qui lui ajouta alors toute la partie sud et le mur d’enceinte du cimetière situé à l’ouest.
Construite entre 1325 et 1327 par Abou Ishaq es-Sahéli sous le règne de l’empereur de Kankan Moussa au retour de son pèlerinage à La Mecque (1324-1325). La mosquée est faite en banco, un matériau fait de terre cuite. Selon Ibn Khaldoun, l’empereur offrit à Sahéli 12 000 mithqals (soit environ 200 kg) de poussière d’or pour sa conception et sa construction.
L’historien Francis Simonis estime que la Grand Mosquée de Tombouctou a été construite à la même époque que la Grande Mosquée de Gao et que la salle d’audience « surmontée d’une coupole » du palais de Niani par Mansa Moussa.
Penser africain
Malheureusement, l’architecture en Afrique reste une pratique importée qui ignore largement les réalités et les ressources locales. Comment décoloniser l’architecture sur le continent?
C’est, comme le souligne l’archietcte Kéré, « l’Afrique qui n’a pas peur, qui ne se laisse impressionner par l’Occident, qui ne veut pas suivre les normes dictées. Une Afrique qui ne veut pas être l’Europe. Ecologiquement, climatiquement, historiquement, et en termes de développement industriel ou économique, nous devons tenir compte de nos différences et chercher des solutions qui nous appartiennent; cette Afrique positive, qui n’est pas seulement pauvre et désolée, avec une jeunesse à qui il faut donner de l’espoir ».