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Saïf Al-Islam Kadhafi: capturez-le mort ou vif, de préférence mort!

Par Imad Mohame Amine

Journaliste, analyste politique 

Il faut le dire clairement et tout net: la mort de Mouammar Kadafi, Saïf Al-Islam Kadhafi arrangerait les affaires de beaucoup de monde. Et puisque tel en est le constat définitif, autant le tuez tout de suite.

Boite noir de son père, le Guide Mouammar Kadhafi, Saif en sait des choses. Beaucoup de choses. Sur des hommes politiques et sur des Etats. Des choses qu’il vaudrait mieux qu’elles restent inconnues.

Il y a quelques jours, au sujet du financement libyen de la présidentielle en France, Carla Bruni a été auditionnée. Pourquoi?

Bruni-Sarkozy a été entendue en audition libre jeudi dernier, dans l’affaire portant sur la rétractation de Ziad Takieddine, qui accuse Nicolas Sarkozy d’avoir financé sa campagne présidentielle de 2007 avec des fonds libyens.

La chanteuse et mannequin Carla Bruni a été entendue pendant près de trois heures comme mise en cause par les enquêteurs dans l’information judiciaire portant sur la rétractation de l’intermédiaire Ziad Takieddine, qui accuse Nicolas Sarkozy d’avoir financé sa campagne présidentielle 2007 avec des fonds libyens.

 

Affaire Takieddine : Nicolas Sarkozy doublement mis en examen, vers un nouveau procès
Nicolas Sarkozy a été doublement mis en examen dans l’enquête sur des manœuvres frauduleuses pour le disculper des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle 2007

Pour Carla Bruni, concernant d’éventuelles poursuites, «aucune décision immédiate n’a été prise par les magistrats instructeurs», a précisé une source judiciaire, et « elle a pu apporter l’ensemble des éclairages et explications utiles », selon ses avocats.

Un rôle de point de contact ?

Déjà entendue comme témoin dans ce dossier en juin 2023, Carla Bruni-Sarkozy a cette fois été interrogée en audition libre de personne mise en cause dans les locaux de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) à Nanterre. L’ancien chef de l’État a été mis en examen dans ce dossier début octobre, notamment pour recel de subornation de témoin.

D’après des éléments de l’enquête, Carla Bruni-Sarkozy avait d’abord été entendue comme témoin simple notamment car « Mimi » Marchand – de son vrai nom Michèle Marchand, figure de la presse people -, également mise en cause dans le dossier, avait argué de rencontres avec son amie épouse de Nicolas Sarkozy pour justifier de déplacements au domicile du chef de l’État à des moments-clés de l’opération.

Mais selon une source proche du dossier, le juge d’instruction s’est depuis interrogé sur divers éléments à charge, et notamment sur une « volonté de dissimulation » de Carla Bruni alors que tous ses messages échangés avec Mme Marchand auraient été supprimés le 5 juin 2021, jour de la mise en examen de cette dernière. L’ex-mannequin est donc soupçonnée d’avoir joué a minima un rôle de point de contact dans ce dossier entre différents protagonistes.

Takieddine en fuite au Liban

L’affaire a explosé en novembre 2020 lorsque Ziad Takieddine, principal témoin à charge contre Nicolas Sarkozy depuis 2012, avait opéré une spectaculaire volte-face sur BFMTV et « Paris Match » en déclarant que l’ex-chef de l’État n’avait « pas touché un centime, cash ou pas cash, pour l’élection présidentielle » 2007 de la part du défunt dictateur libyen Mouammar Kadhafi.

En fuite au Liban, pour échapper à sa condamnation dans l’affaire Karachi, M. Takieddine était revenu sur ses propos deux mois plus tard devant les magistrats instructeurs.

Dans ce dossier, ce sont désormais onze protagonistes, en comptant Carla Bruni, qui sont soupçonnés d’avoir œuvré, à des moments et degrés divers, dans cette opération qui aurait principalement visé à tromper la justice française.

Parmi les mis en cause, outre Nicolas Sarkozy, Mimi Marchand, l’intermédiaire Noël Dubus, déjà condamné pour escroquerie, le puissant chef d’entreprise David Layani, etc. Les poursuites contre le financier Pierre Reynaud, mort en mai 2023, sont éteintes.

Haftar craint un retour de Saïf Al-Islam Kadhafi

Souvenez-vous en, car la scène est mémorable: novembre 2021, Saïf Al-Islam Kadhafi orchestre son retour médiatique à Sabha, une cité du Sud Libyen. Le fils du Guide de la révolution, Mouammar Kadhafi, tué lors de l’insurrection de 2011, porté disparu pendant de longues années en d’obscures geôles ou caches, le voilà de retour. Drapé dans une ample tunique traditionnelle, long turban et barbe grise, il signe un document électoral.

Seif al-Islam avait été arrêté au mois d’octobre 2011, alors qu’il tentait de fuir vers le Niger. Libéré en 2017 par le groupe armé qui le détenait dans la région du Zenten à al-Jabel al-Gharbi (à 170 Km au sud-ouest de Tripoli), aucune trace de lui n’a été constatée depuis cette date.

Beaucoup d’hommes politiques qui parlent de traduire Saïf devant la Cour pénal internationale le font sur maneuvres étrangères, pour le murer dans un silence des morts.

Mythe du retour

Saïf n’est pas uniquement un pion de la milice qui le détient à Zinten, au sud-ouest de Tripoli, qui en a fait une carte, un gage, très utile à négocier: il est aussi aujourd’hui acclamé par une partie du peuple libyen. Et cette vérité beaucoup n’aiment pas en entendre parler.

Détenteur de bien des secrets du régime de son père, Saïf Al-Islam a de bonnes raisons de prendre garde.

Seif al-Islam se présente comme étant une troisième option pour réunifier un pays déchiré par la guerre civile et l’effondrement de son économie, bien que la Libye recèle les plus grandes réserves pétrolières en Afrique.

Le fils de Kadhafi estime que les « hommes politiques libyens n’ont amené au pays que désolation et misère et que le temps est venu pour renouer avec le passé, dans la mesure où la Libye est à genoux, sans sécurité ni argent. Il n’y a plus de vie ici ».

A partir de cette analyse tragique de la situation qui règne dans le pays, le fils de Kadhafi se présente en tant que « sauveur, qui veut ressusciter l’unité perdue ».

La Libye s’agite pour Saïf

Seif al-Islam Kadhafi fait peur: les représentants officiels du Forum du Dialogue politique avaient immédiatement manoeuvré , avec les soutiens de Haftar, pour entraver sa candidature au scrutin.

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capturez-le mort ou vif, de préférence mort!

Parmi les conditions qui eont été avancées pour entraver sa candidature, la décision judiciaire qui n’est pas encore définitive, rendue à son encontre par un tribunal de Tripoli en 2015, qui ordonne son exécution par balles, de même que son extradition est exigée par la Cour Pénale Internationale (CPI) pour avoir perpétré des crimes contre l’Humanité.

Malgré cela, Kadhafi fils est convaincu de ses capacités et aptitudes pour surmonter les entraves d’ordre judiciaire et ses sympathisants ont pris l’initiative de lancer des campagnes de soutien sur les réseaux sociaux, et ce depuis le mois novembre 2020.

Le journal « The New York Times » a rapporté, selon des sondages d’opinion, que 57% des habitants d’une seule région (sans la citer) ont exprimé leur confiance qu’ils placent en la personne de Seif al-Islam Kadhafi.

Le journal américain avait également cité une avocate libyenne qui indique que ses travaux officieux menés pour mesurer l’opinion publique révèlent que 8 ou 9 Libyens sur 10 voteraient en faveur de Seif al-Islam.

De plus, Seif al-Islam a un allié puissant, en l’occurrence la Russie, qui pense qu’il remportera les élections, selon un diplomate européen qualifié par le journal américain d’«expérimenté et fin connaisseur des affaires libyennes ».

Moscou ne dissimule point son soutien à Kadhafi. Rappelons que l’envoyé spécial du Président russe pour la région du Moyen-Orient et l’Afrique, Michael Bogdanov, avait accueilli Meftah Werfelli et Omar Abu Cherida, représentants du « Mouvement de Seif al-Islam ».

La montée de Seif al-Islam menace Haftar

La principale partie qui sera Lésée par le retour de Saïf Al-Islam Kadhafi est indéniablement Haftar qui s’est allié depuis la fin de l’année 2014 avec les chefs des milices sécuritaires relevant auparavant du régime de Kadhafi, en assimilant leurs éléments dans les rangs de ses milices, et ce sur orientation des autorités sécuritaires égyptiennes, selon le lieutenant-colonel Abdelbasset Tika, un des dirigeants de l’appareil de lutte contre le terrorisme à Tripoli.

Seif al-Islam lui-même avait prétendu que 80% des combattants dans les rangs des milices de Haftar font partie de ses sympathisants et ce, dans une déclaration rapportée par deux activistes russes qui avaient été interpellés à cause de lui en 2019.

Le retour du fils de Kadhafi pourrait causer une scission dans les rangs des milices de Haftar, particulièrement s’il décide de reprendre le pouvoir par la force, bénéficiant en cela de l’appui russe ou au cas où se présentera à l’élection. Le cas échéant, il sera le principal concurrent de Haftar.

Il convient de noter que les sympathisants de Kadhafi occupent des postes sensibles au sein des milices de Haftar, s’agissant essentiellement du général Mabrouk Sahban, chef des forces terrestres (issu de la tribu des M’guerha) et du commandant Omar Mrajea, chef du régiment « Tarek Ibn Zied » ainsi que le général Abdessalem Hassi, chef des unités spéciales.

Avant eux, Mohamed Ben Naiel, chef du 12ème régiment qui avait pris le contrôle de la base aérienne de Barak al-Chatea (Sud) en 2016 et qui avait rallié Haftar, qui grâce à lui, ce dernier est parvenu à accéder aux bases aériennes de Tamenhent (Sud) d’al-Joffra (centre), avant qu’il ne décède dans des conditions mystérieuses.

De plus, Massoud Dhaoui, un des chefs loyaux à Kadhafi dans la région de Werchfena, à proximité de la capitale Tripoli, avait été liquidé par les milices de Haftar en 2019 lors de l’offensive lancée contre la capitale.

Bien que Haftar avait qualifié une fois Seif al-Islam de « pitoyable », il n’en demeure pas moins qu’il avait tenté de l’assassiner à maintes reprises, selon les sympathisants de Kadhafi, et sur la base également du témoignage de Ibrahim El Madani, chef du régiment « Mohamed El Madani » au Zenten, qui a affirmé que « des éléments relevant de Haftar lui avaient demandé de d’éliminer Seif al-lslam.

Cela reflète l’inquiétude de Hafter quant au danger que pourrait constituer Seif al-Islam, s’il se décidait à reprendre le pouvoir, d’autant plus que le général à la retraite était un ennemi à Mouammar Kadhafi, depuis qu’il ait été fait otage durant la guerre du Tchad en 1987 ».