« Le G5 sahel a été créé pour torpiller le Cémoc initié par l’Algérie »
Par Tanou Lelle*
Journaliste et analyste politique
Directrice et animatrice de la Tv web Aganisha
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Initialement, ni l’Union Africaine ni l’ONU n’ont souhaité reconnaitre le G5 Sahel, qui n’était qu’un organisme militaire française de sous-traitance.
Dans un énième rebondissement entre la France et le Mali, avec le dossier G5 Sahel, qui n’est autre qu’une filiale de la France au Sahel. La raison principale du retrait du Mali de ce mécanisme est le refus de Deby de céder la présidence tournante au Mali, au motif que le pouvoir à Bamako est issue d’un coup d’Etat.
Je vais vous dire ici comment la France a pu créé ou corrompus les forces conjointes pour arriver ainsi à créer la Task Force G5 Sahel. Il faut d’abord comprendre que le G5 sahel est une force militaire conjointe, entre plusieurs pays, le Mali, le Tchad, la Mauritanie, le Niger et le Burkina Faso pour la lutte contre le terrorisme, et qui ont un point d’être des « zones d’influence » de la France.
Le G5 Sahel, sous faux drapeau
Le G5 Sahel est né à Nouakchott, en Mauritanie, en février 2014, et sera opérationnel dès 2017 à Bamako. L’organisation se veut un cadre institutionnel de coopération et de suivi de la coopération régionale ; il est financé par l’ONU et la France, par l’Union européenne et la France, par l’Union Africaine, qui elle-même, est financée par l’Europe, dont la France, par les Etats Unis et encore la France ; et si l’on ajoute les financements de la Cédéao, on retrouve la France cinq fois, dans tous les financements de cette force militaire. En gros, c’est un canal de financement pour la lutte contre le terrorisme au Sahel. Vous voyez donc ce que je veux dire.
Le principal objectif du G5 Sahel est de préserver les territoires des Etats qui le composent, notamment après les velléités indépendantistes des mouvements du Nord-Mali et du sud de la Mauritanie.
Le général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées françaises, l’a dit à l’Assemblée nationale, à Paris, en 2014 : « Le G5 Sahel est la meilleure instance pour faire progresser la sécurité dans la région dans la mesure où il permet de contourner les défaillances de l’APSA, observées lors de la crise malienne de 2012 ».
Contourner les réticences des pays africains
C’est-à-dire contourner les réticences des pays africains où la France n’a pas la même influence que dans son pré-carrée sahélien. L’Union Africaine n’était pas favorable à la construction de ce G5 Sahel vu que le concept existait déjà. L’Union Africaine avait une force militaire d’intervention connue sous le nom de l’APSA, c’est-à-dire l’Architecture africaine de paix et de sécurité, et son but est de promouvoir la paix.
Lorsqu’en 2012, le Mali s’est retrouvé en difficulté, c’est à lui que les Nations Unies ont le droit et la légitimité pour intervenir. Jugeant que la situation qui régnait au Mali constituait une menace pour la paix et la sécurité internationales, le Conseil de sécurité a autorisé, en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, le déploiement au Mali, pour une période initiale d’une année, d’une force internationale sous conduite africaine afin de rétablir la souveraineté malienne sur l’ensemble du territoire, même si la France a fait des pieds et des mains pour se retrouver en première ligne.
L’Union Africaine n’a pas réellement reconnu le G5 Sahel comme une Force légitime d’intervention ; en fait, il existe une pléthore d’organisations régionales et sous-régionales de ce type qui font la même chose, et dont aucune n’est efficace.
Plus de mécanismes de sécurité a tué la sécurité
Depuis le début des années 2000, des organismes sont mis sur pied pour lutter efficacement contre le terrorisme au Sahel, comme le Conseil des chefs d’état-major des pays membres du Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC, Algérie, Mali, Niger et Mauritanie), ou la Communauté des Etats saharo-sahéliens en Libye. Donc, les Africains n’avaient pas attendu la France pour s’associer contre le terrorisme.
La France s’est inspirée du Cémoc algérien pour créer le G5 Sahel, pour ne pas dire « torpiller ». Mais l’impérialisme est coutumier des faits. A commencer par l’Union Africaine, le projet panafricaniste, vidé totalement de son sens, ou encore la Cédéao et l’Architecture africaine de paix et de sécurité, avec une volonté de créer une sorte de « colonialisme panafricain », même si je n’aime pas associer panafricanisme et colonialisme.
En sait aussi comment l’Union Africaine en 2013 avait tenté de mettre sur rails un mécanisme de ce type avec l’Algérie, le Mali, la Libye, la Guinée, le Burkina Faso, le Niger, le Nigeria, le Sénégal et le Tchad. Ce mécanisme devait permettre à rendre moins rigide l’intervention de l’AAPS dans la région saharo-sahélienne. Cette force, appelée « Processus de Nouakchott » a voulu mettre en place des unités opérationnelles antiterroristes mixtes qui pourraient intervenir efficacement au Nord-Mali ; mais cela n’a jamais pu être réalisé.
Pour le G5 sahel, ni l’Union Africaine ni l’ONU n’ont souhaité le reconnaitre. Le Niger et le Tchad sont à la fois membres du G5 Sahel et de la CBLT. Donc, il y a une certaine filiation, si vous voyez ce que je veux dire. Le Tchad et le Niger sont des prolongements de la France au Sahel. On comprend mieux ainsi.
En fait, le G5 Sahel n’avait aucun motif d’exister, parce que des instances similaires, voire plus efficaces, existaient déjà. Le G5 sahel est né de la volonté de la France de contourner les réticences liées à l’Union Africaine, afin de permettre à la Task Force « Barkhane » de circuler dans la bande sahélo-saharienne sans aucune contrainte. En gros, cette organisation n’a aucune utilité et n’a mené aucune opération de grande envergure ni enregistré une quelconque victoire.