Au moins 150 personnes ont été tuées et des dizaines d’autres blessées après l’attaque par les forces paramilitaires de soutien rapide au Soudan.
Le gouverneur du Darfour a publié sur le réseau social X que des femmes, des enfants et des personnes âgées figuraient parmi les victimes.
Mohamed Hamdane Daglo, chef de milice à l’assaut du pouvoir
À travers le pays, et même dans la capitale Khartoum, les combats se poursuivent quotidiennement entre l’armée dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, qui représente le pouvoir reconnu par la cummunauté internationale, et les paramilitaires des FSR, sous la houlette du général Mohamed Hamdane Daglo dit « Hametti », soutenu par des entités qui ont un agenda précis dans la région.
Une vidéo partagée par le gouverneur du Darfour, Mina Arko Minawi, un gouverneur régional du gouvernement légal soudanais, montre des personnes debout près de dizaines de corps enveloppés dans des tissus blancs, allongés en plein air à Wad al-Noura.
Le directeur exécutif de l’UNICEF a déclaré dans un communiqué qu’au moins 35 enfants avaient été tués et 20 autres blessés au cours de ces attaques.
Un groupe local créé pour protéger les habitants de Wad Madani, dans la capitale de Gezira, a déclaré tard mercredi sur les médias sociaux que la force paramilitaire, qui combat l’armée soudanaise depuis plus d’un an, a utilisé l’artillerie lourde pour assiéger et attaquer le village.
Exactions et génocide à huis clos
La conseillère spéciale de l’ONU sur la prévention des génocides, Alice Wairimu Nderitu, fait part de ses craintes: « La situation actuelle porte toutes les marques d’un risque de génocide, avec de fortes craintes que ce crime a déjà été commis », dans une allocution relayée notamment par SABC News, la radio-télévision publique sud-africaine.
« Au Darfour, à El-Facher, des civils sont attaqués et tués en raison de la couleur de leur peau [noire, ndlr], de leur appartenance ethnique, de ce qu’ils sont », précise Alice Wairimu Nderitu. Or, la notion d’intention est l’un des critères pour défénir un génocide, ajoute-t-elle. Elle a parlé avec des réfugiés au Tchad, qui avaient fui le Darfour. Beaucoup d’entre eux appartenaient à la communauté Massalit, une ethnie non arabe ciblée par les paramilitaires soudanais qui sont, eux, alliés à des milices arabes.
La conseillère spéciale de l’ONU sur la prévention des génocides ajoute avoir entendu « des témoignages terrifiants » qui attestent de l’incendie de villages entiers, de l’utilisation persistante du viol comme arme de guerre, ou encore des propos racistes, énumère SABC News
Une guerre alimentée par le commerce de la gomme arabique
Comment les sodas, le chocolat et le chewing-gum financent la guerre au Soudan : La gomme arabique est un ingrédient courant que l’on retrouve dans les sodas, le chocolat et le chewing-gum, rappelle le Wall Street Journal dans une longue enquête.
Le quotidien économique américain précise que « 80 % de la gomme arabique mondiale est récoltée sur les acacias du Soudan. Ils poussent dans la ceinture désertique qui s’étend de la frontière occidentale du Soudan avec le Tchad jusqu’à sa frontière orientale avec l’Éthiopie », couvrant une superficie de plus de 500 000 km². La gomme arabique, explique le Wall Street Journal, est une sève solidifiée, « utilisée comme stabilisateur, agent épaississant ou émulsifiant dans de nombreux aliments, boissons, cosmétiques et médicaments. »
Racketeurs avec un programme de prise de pouvoir?
Les paramilitaires rackettent les commerçants sur les routes agricoles, l’armée régulière taxent le commerce de gomme arabique : Au Soudan, Muhamed Jaber parcourt 80km, une fois par semaine, sur une route cahoteuse jusqu’à la ville d’El Obeid, dans le centre du pays, « l’arrière de son camion chargé de sacs remplis de morceaux ambrés de gomme arabique », raconte le Wall Street Journal.
A chaque fois, il doit verser l’équivalent de 330 dollars aux paramilitaires des Forces de soutien rapide qui contrôlent la plupart des accès à la ville d’El Obeid. Ce type de racket, pour tenter de rester en sécurité, est courant, explique le commerçant soudanais au Wall Street Journal. Ceux qui refusent de payer les combattants équipés de fusils AK-47, « risquent de perdre leurs marchandises et leurs véhicules au profit des milices ».
Le quotidien économique américain ajoute que « peu d’entreprises occidentales ont pris des mesures pour s’assurer d’éviter la gomme arabique soudanaise ». Des porte-parole des fabricants de chocolat de Kisses Hershey et Ferrero ont expliqué s’attendre « à ce que tous leurs fournisseurs respectent les lois des pays dans lesquels ils opèrent ».
En 2022, le Soudan a exporté de la gomme arabique pour une valeur d’environ 183 millions de dollars, ce qui en fait l’une des dix principales exportations du pays, selon les dernières données disponibles fournies par le Wall Street Journal. Mais la production pourrait diminuer de moitié cette année, prévient le journal économique, « car de nombreux jeunes hommes qui récoltent normalement la sève se sont inscrits pour se battre et d’autres ont trop peur pour sortir » de chez eux.
Une milice redoutée, un chef redoutable
Les ex-miliciens de l’ancien chef de guerre du Darfour (ouest) sont redoutés de la population, à double titre. À cause de leurs exactions lors de la guerre civile au Darfour (2003-2009) et de la répression depuis 2019. Dans la stratégie de déploiement des FSR de Hemetti, l’objectif est de faire chuter le général Abdel Fattah al-Burhane en retournant contre lui les populations, même par la terreur.
Puissant, riche, Hemetti s’imagine désormais un avenir politique, en prenant soin d’afficher… son soutien à la transition démocratique. Le coresponsable du coup d’état militaire du 25 octobre 2021 a ainsi qualifié le putsch d’erreur
et accusé l’armée de s’accrocher au pouvoir.