La rapprochement Sissi-Erdogan annonce un réchauffement diplomatique après une décennie de brouille entre les deux présidents.
La destitution par Abdel Fattah al-Sissi du premier président égyptien démocratiquement élu, Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans et grand allié de la Turquie, faisait alors jurer au président Recep Tayyip Erdogan qu’il ne parlerait « jamais » à Abdel Fattah al-Sissi.
Mais les relations entre les deux hommes, qui soutiennent deux gouvernements rivaux en Libye, se sont réchauffées ces dernières années et leurs intérêts convergent désormais sur plusieurs dossiers régionaux.
Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, en visite à Ankara mercredi pour « renforcer la coopération » avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, fait sa première visite officielle dans le pays en 12 ans, alors que les relations entre ces deux puissances régionales se stabilisent après des années de tensions.
Un rapprochement Sissi-Erdogan
Après une longue décennie de brouille diplomatique, le président turc Recep Tayyip Erdogan et son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi ont affirmé mercredi 4 septembre à Ankara vouloir « renforcer leur coopération »: « Nous allons renforcer notre coopération dans tous les domaines », a déclaré à l’issue de leur entretien le président Recep Tayyip Erdogan, qui avait été reçu au Caire mi-février par Abdel Fattah al-Sissi.
Les deux dirigeants ont signé 17 accords de coopération, selon la présidence turque, et ont réaffirmé devant la presse leur volonté de porter les échanges commerciaux entre leurs pays à 15 milliards de dollars par an d’ici cinq ans, contre moins de 10 milliards actuellement.
« Nous souhaitons améliorer notre coopération avec l’Égypte dans le domaine de l’énergie, notamment du gaz naturel et de l’énergie nucléaire », a déclaré Recep Tayyip Erdogan.
Drones turcs en vue pour le Caire
Selon la présidence turque, les deux dirigeants ont également discuté de la « possible livraison » de drones turcs à l’Egypte.
En février, le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan avait affirmé que la Turquie avait « passé un accord » avec l’Égypte pour lui fournir des drones, livrés à de nombreux pays africains par Ankara.
Le même mois au Caire, Abdel Fattah al-Sissi et Recep Tayyip Erdogan avaient acté l’ouverture d’une « nouvelle page » dans les relations entre leurs pays, brutalement rompues après l’arrivée au pouvoir de Abdel Fattah al-Sissi en 2013.
Abdel Fattah al-Sissi a par ailleurs affirmé avoir « discuté amplement » avec le président Recep Tayyip Erdogan de la situation en Somalie et s’être accordé avec lui sur la nécessité d’œuvrer pour « préserver l’unité et l’intégrité territoriale » de ce pays de la Corne de l’Afrique. Ankara et Le Caire ont signé ces derniers mois plusieurs accords de coopération militaire avec la Somalie, en proie à de vives tensions avec l’Éthiopie, son principal voisin.
La Libye, l’absente-omniprésente
Aucune mention sur la Libye n’a été évoquée par les deux chefs d’Etats, pourtant ce pays constitue un point de divergences majeur entre Ankara et la Caire. Ou peut-être constituait. Car tout porte à croire que des réglages importants ont été opérés entre les deux capitales pour aboutir à un deal.
La visite de Hamad, chef de gouvernement de Benghazi, donc homme de Haftar, à Ankara récemment, puis le silence radio de la Turquie au sujet des manoeuvres militaires du maréchal vers Ghadamès plaident en faveur de ce deal, dont on connaitre bientôt les enjeux, les conditions et les conséquences.
Lors de la marche sur Tripoli du maréchal Khalifa Haftar, ce sont les drones turcs qui mis en déroute l’armée du maréchal soutenu par la Russie. Aujourd’hui, les choses ont changé: Poutine s’est rapproché d’Erdogan, et avec Haftar, ils forment un triumvirat qui a déjà mis en chantier le futur de la Libye, au moins théoriquement, car sur le terrain, ce ne sera pas chose facile, tant les hostilités au centre et à l’ouest de la Libye demeurent vives contre l’homme fort de Benghazi et tant il faudrait compter également sur les Etats Unis, qui ont envoyé récemment le chef d’Africom dicter quelques lignes de conduite au maréchal.
Quel que soit le plan élaboré, si ce deal s’avère réel, la chute de Dbeibeh sera une question d’heure.