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Les « otages oubliés » des FaMa et Wagner entre les mains du CSP

Les "otages oubliés" des FaMa et Wagner entre les mains du CSPLes "otages oubliés" des FaMa et Wagner détenus

 

Au NOrd-Mali, aucune négociation en cours n’est venue éclairer les horizons obscurs des soldats maliens et russes prisonniers du CSP.

Cela fait plus d’un an, pour certains, qu’ils sont retenus prisonniers par les rebelles du Cadre stratégique permanent pour la défense du peuple de l’Azawad (CSP-DPA).

Une vingtaine de soldats de l’armée malienne et deux mercenaires russes du groupe Wagner, capturés entre septembre 2023 et juillet 2024, sont toujours détenus quelque part dans le nord du Mali par les rebelles.

Des approches ont été tentées en août dernier pour les mercenaires russes, qui n’ont pas abouti. Pour les militaires maliens, rien de concret n’a été entrepris jusqu’ici.

« C’est long, c’est difficile, mais nous gardons espoir », confie le parent d’un militaire malien capturé il y a plus d’un an. Dans sa voix, une forme de sérénité qui surprend autant qu’elle rassure.

Selon le décompte de RFI, 22 soldats maliens seraient actuellement prisonniers du CSP, un chiffre non confirmé par les rebelles qui préfèrent s’en tenir à « une vingtaine », pour « des raisons stratégiques ».

Certains sont en captivité depuis plus de treize mois, d’autres moins de trois. Ils ont été pris par les rebelles lors des attaques des camps militaires de Bourem (12 septembre 2023), Léré (17 septembre 2023), Dioura (28 septembre 2023), Bamba (1er octobre 2023), Taoussa (4 octobre 2023) et au cours de la bataille de Tinzaouatène (27 juillet 2024).

Dans la dernière vidéo diffusée le 1er août 2024 par le CSP, un capitaine de l’armée malienne présente ses co-détenus – les prisonniers de Tinzaouatène n’avaient pas encore rejoint le groupe. Le gradé chargé de décliner les noms et grades des prisonniers est en treillis, les autres apparaissent à l’image en civil, et tous semblent en bonne santé.

Les rebelles assurent que leurs prisonniers sont « bien traités », qu’ils ont accès à des médicaments si nécessaire, et que les militaires maliens peuvent appeler leur famille régulièrement.

« Aucune tentative, aucune proposition »

Une règle de principe qui peut varier en fonction « des conditions sécuritaires » sur le terrain : « Il arrive parfois que les éléments qui s’occupent d’eux aient pour consigne de n’allumer aucun réseau internet pendant un mois ou plus », précise un dirigeant de la rébellion.

« Je n’ai plus eu de nouvelles depuis la vidéo du mois d’août, tempère ce proche d’un militaire détenu. Mais j’ai vu qu’il allait bien et ça a été un grand soulagement. Avant cela, nous n’avons pu lui parler qu’une seule fois au téléphone, il y a plusieurs mois. »

Que fait l’État malien pour permettre aux prisonniers de retrouver leur famille ? Selon les propos rapportés par un communiqué de la présidence malienne à l’issue d’une rencontre avec les dirigeants militaires de la Transition le 23 septembre dernier, le ministre de la Défense, le désormais général Sadio Camara, assure que « des dispositions » sont « en cours pour obtenir leur libération ». Aucun détail supplémentaire, ce qui est habituel dans ce genre de dossier nécessitant de la discrétion.

« Il n’y a eu aucun contact, assure-t-on pourtant du côté du CSP, aucune tentative, aucune proposition. » « En dehors de cette déclaration du ministre, explique un parent d’un militaire détenu, nous n’avons eu aucune information sur les mesures prises. » Cette source confirme que les familles n’ont eu aucun échange direct avec les autorités, et qu’aucune cellule de crise n’a été constituée pour leur permettre de suivre, même de façon limitée, l’avancée des éventuelles démarches.

Sollicités par RFI, ni le ministère de la Défense ni l’armée malienne n’ont apporté de précisions, mais une source sécuritaire malienne confirme : « Rien de sérieux n’a été entrepris, il n’y a pas d’engagement réel. Ils sont abandonnés, déplore sans ambages cette source. Ils traîneront là-bas encore longtemps. »

Deux hommes de Wagner également détenus

Le CSP détient également deux combattants russes du groupe Wagner (désormais intégré au « Corps africain » contrôlé par Moscou), capturés fin juillet lors des combats de Tinzaouatène. Comme les cinq soldats maliens capturés ce jour-là, les deux Russes n’apparaissent pas sur la vidéo du 1er août. « Les services russes nous ont approchés une semaine après, assure ce cadre du CSP, mais ils n’avaient aucune proposition concrète. Et nous, nous ne cherchons pas à négocier : demander aux Russes de quitter le Mali serait utopique, explique encore cette source, et ils n’ont aucun mandat pour s’engager politiquement à la place du Mali. Depuis le mois d’août, il ne s’est plus rien passé. »

Sollicitée par RFI, l’ambassade de Russie à Bamako n’a pas donné suite.

« Prisonniers de guerre »

Qu’ils soient soldats de l’armée malienne ou mercenaires du groupe Wagner, les rebelles du CSP considèrent leurs détenus comme des « prisonniers de guerre » et non comme des « otages ». Une manière de se distinguer des jihadistes d’al-Qaïda, qui ont fait de la prise d’otages un mode de financement. Cette dénomination correspond aussi à un statut international défini par la Convention de Genève qui, s’il est respecté, garantit des conditions de détention préservant l’intégrité et la dignité des détenus.

Le CSP affirme ainsi ne pas exiger de rançon pour la libération des soldats maliens et ne pas même chercher à ouvrir de négociations, tout en restant « ouvert à un échange ». Les rebelles assurent qu’aucun de leurs combattants ne séjourne actuellement dans les prisons maliennes, mais évoquent des centaines de « détenus du fait du conflit » : des habitants des régions du nord du Mali présentés par le CSP comme « des civils victimes d’amalgames, arrêtés par l’armée hors des combats et réclamés par leurs proches ».

« Nous sommes aussi prêts à accepter une contrepartie politique », avance, sans préciser davantage, un dirigeant de la rébellion. Officiellement, les rebelles combattent pour protéger les populations du nord du Mali, qu’ils désignent sous le terme d’Azawad, et pour obtenir un « statut politique et juridique » pour ce territoire. Une formulation qui permet d’envisager ce statut juridique au sein de l’État malien, comme les rebelles s’y étaient résolus en signant l’accord de paix de 2015 finalement rompu par les autorités maliennes de transition, ou en dehors de l’État malien, comme le souhaitent de nombreux combattants indépendantistes membres du CSP.