L’expulsion de deux diplomates de l’ambassade égyptienne à Tripoli a déclenché une nouvelle crise diplomatique entre la Libye et l’Égypte, accentuant encore les tensions déjà existantes entre les administrations rivales de l’est et de l’ouest du pays. Le gouvernement d’union nationale (Gun) à Tripoli, dirigé par le premier ministre Abdulhamid Dabaiba, a donné au conseiller de l’ambassade 72 heures pour quitter le pays Adel Mohamed Hosni, de même qu’au deuxième secrétaire Mohamed Mamdouh Mustafa à Sherbiny.
Tous deux sont accusés d’avoir mené des activités de renseignement préjudiciables aux intérêts de l’État. Cette décision fait suite à la visite officielle du chef du Gouvernement libyen de stabilité nationale (GSN) basé à Benghazi, Oussama Hamad, au Caire, en Égypte, où il a été accueilli par le Premier ministre égyptien Mustafa Madbouly.
Cette réunion, à laquelle il était également présent Belgassem Haftar, directeur du Fonds de Reconstruction et l’un des fils du général Khalifa Haftar, a suscité de vives protestations de la part de Gun, le gouvernement Hammad n’étant pas reconnu internationalement.
Dbeibeh joue son va-tout
Dans une réaction qui semble directement liée à l’expulsion du personnel de l’ambassade égyptienne, le gouvernement de l’est de la Libye a appelé tous les pays étrangers à déplacer leurs ambassades et leurs institutions diplomatiques internationales de Tripoli à Benghazi.
Le GSN a justifié cette demande en invoquant les conditions de sécurité précaires dans la capitale. Il s’agit des violents affrontements entre groupes armés qui ont éclaté ce week-end dans le quartier de Tajoura, à l’est de Tripoli, et qui ont fait neuf morts et seize blessés.
Dans un communiqué officiel, le gouvernement Hammad a exprimé sa surprise face aux actions et déclarations du gouvernement d’unité nationale suite à sa visite en Égypte. « Nous apprécions le rôle des autorités égyptiennes et leur présence solidaire dans le renforcement des relations entre nos deux pays, en nous rencontrant et en discutant d’un certain nombre de questions communes », indique le communiqué.
Pour Dbeibeh, c’est quitte ou double face au Caire, qui va travailler avec Haftar à sa chute. Attendez-vous à ce que plusieurs événements écuritaires vont être opérés pour fragilier le gouvernement de Tripoli. Acteur majeur en Libye, l’Egypte va mener des opérations de destabilisation « intra-muros », c’est-à-dire en Libye même, pour évincer Dbeibeh et mettre Haftar sur le trône.
Toutefois, si Dbeibeh résite il aura gain de cause et pourrait passer pour un véritable chef. Mais là encore, comme pour Haftar, tout dépendra de ses soutiens internationaux.
Une question lancinante se pose poour Dbeibeh: où est passé l’allié turc? Où sont ses drones? Y a-t-il eu « deal » entre Ankara et le Caire pour un partage des intérêts?
Les prochaines semaines vont nous apporter des réponses cinglantes sur ce dossier encore tenu au secret…
Les intérêts de l’Egypte en Libye
Pour l’Égypte, la Libye est un enjeu à multiples facettes. Le pays s’inscrit dans sa sphère d’influence régionale et peut représenter un risque de nature sécuritaire, en raison d’une longue frontière commune.
Sur le plan économique, Le Caire a besoin des emplois que son riche voisin a longtemps assurés à nombre de travailleurs égyptiens, et lorgne sur le marché de la reconstruction, après les dégâts provoqués par la guerre civile et plus récemment par les inondations de Dernah.