Proche de Kemi Seba, qui la qualifie de « grande sœur de lutte et de cœur », Nathalie Yamb gravite également dans le réseau Afric ((Association pour la recherche libre et la coopération internationale, une structure proche des Russes et liée à ses réseaux d’influence en Afrique). Se définissant elle-même comme la « dame de Sotchi » depuis sa participation remarquée au sommet du même nom, en octobre 2019, cette Suissesse d’origine camerounaise est l’une des détractrices de la France et de ses alliés sur le continent les plus suivies sur les réseaux sociaux. Ses prises de position lui ont d’ailleurs valu d’être expulsée de Côte d’Ivoire en décembre 2019.
Selon un rapport de l’ONG Free Russia Foundation, Nathalie Yamb a notamment participé à l’une des conférences organisées par l’Afric à Berlin, en janvier 2020, co-organisée avec la Fondation pour la protection des valeurs nationales, une structure également liée à Prigojine et dirigée par le « journaliste » (proche des services de renseignement russes) Alexander Malkevitch. Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, elle affiche clairement son soutien à l’armée russe.
De l’anti-France aux accusations contre l’Algérie, le raccourci fait par Yamb est aussi dangereux que décrédibilisant. Il est vrai qu’elle connait bien Bamako et le colonel Goïta, mais elle aurait gagné de mieux connaitre ce qui se passe réellement à Tin-Zawatine, Menaka, Dioura, Taoudenni, Kidal, Gao, Tombouctou et Tessalit.
Yamb devait comprendre que les Accords d’Alger avaient permis aux Maliens de vivre en paix durant huit longues années, avant que Goïta, revigoré par l’argent du Kremlin, les équipements militaires russes et la présence de Wagner, ne bombe le torse et lorgne de haut les chefs azawadis qu’il commence à traiter de « terroristes ».
Pertes et profits
Yamb aurait gagné à voir comment les populations du nord sont livrés à la pauvreté et à la précarité et comment les Accords de 2015 signés à Alger insistait sur la nécessité de développer ces zones abandonnées par le pouvoir central à Bamako.
Pour satisfaire les militaires au pouvoir Yamb s’était même emporté contre tout retour à l’ordre constitutionnel, c’est-à-dire la remise du pouvoir aux autorités civiles, soulevant une suspicion légitime de la part de ses fellowers au Mali.
Yamb n’était pas obligé, pour défendre Goïta, de cracher dans la soupe des voisins: l’Algérie a été l’acteur principal des médiations maliennes depuis la rébellion de 1991 (menée par les Ibrahim Ag Bahanga, Hassan Ag Fagaga, Hamata Ag Hantafaye, etc.); les produits alimentaires algériens de première nécessité sont les seuls servis sur la table des gens dans plusieurs régions de l’Azawad; le colonel Goïta – parce qu’il n’existe pour lui aucune autre alternative – reviendra un jour, lui ou ses successeurs, aux Accords d’Alger.
Le Kremlin réfléchit à l’éventualité d’un rappel de ses paramilitaires; le front russo-ukrainien s’embrase et Poutine a besoin de tous ses hommes. D’ailleurs Goïta réfléchit également à cette éventualité. Moscou ne pensera jamais perdre Alger pour satisfaire Bamako: Alger fait partie des « stations » stratégiques de la Russie.
Après une présence courte, les Russes ont choisi la pire des options: aider le Mali du sud à conquérir le Mali du nord, c’est-à-dire revenir à la situation antérieure à 2011, c’est-à-dire au début de la guerre. Moscou sait maintenant qu’une intervention militaire sans règlement politique de la question touarègue ne peut que sursoir au problème tout en l’amplifiant.
Tanou Lelle, directrice de la TV web Aghanisha, sait à quoi s’en tenir en la matière. Dans un récent post sur sa chaîne, elle affirmait que l’opération Barkhane était un coup français pour faire échec au Cemoc, un mécanisme proposé et développé par Alger et dont le siège était Tamanrasset, et qui devait être une Task Force (algéro-nigéro-mauritano-malienne) puissante de 75 000 hommes, aux pouvoirs élargis, et qui devait lutter contre le terrorisme et ses sources au Sahel africain.
C’est en se référant à ce type d’informations, en procédant à leur agencement, en maitrisant les dessous des cartes que l’on arrive à livrer une analyse juste et sérieuse; les débordements émotionnels sur YouTube pour satisfaire ses mentors sont une arme à double tranchant dont le coté coupant peut vite se retourner contre celui qui le manipule mal. Et c’est là la différence entre un journaliste de métier et un « parleur » de réseaux sociaux.
Yamb saura certainement retenir la leçon; c’est une femme intelligente, un peu ambitieuse certes, mais qui saura, au bout du compte, prendre et comprendre la mesure de ses propos.