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Ari Ben-Menashe, un agent du Mossad à la table des chefs d’Etats africains

Ari Ben-MenasheUn homme dangereux au service d'agendas occultes

Par Fayçal Oukaci

Journaliste, spécialiste des questions de sécurité

Attention: cet homme est dangereux. Son nom: Ari Ben-Menashe. Sa fonction: lobbyiste, trafiquant, mercenaire,  importateur de céréales, exportateurs d’armes, manipulateur et agent de service. 

Là où il a posé le pied les scandales ont éclaté: Tunisie, Zimbabwe, Soudan, Côte-d’Ivoire, Centrafrique, Libye, Burkina Faso, etc. En tout, une quinzaine de pays d’Afrique ont été secoué par ses menées souterraines.

Se présentant lui-même comme un ancien espion israélien, ce lobbyiste a été associé au trafic d’armes pour le compte de plusieurs dirigeants africains. Alimentant de manière active les conflits, il est l’une des sources des guerres fratricides qui déchirent le continent.

Epinglé par la justice tant en Europe qu’en Amérique du nord, Ari Ben-Menashe continue malgré tout à signer de juteux contrats avec de nombreux chefs d’État africains.

Ari Ben-Menashe, lobbyste et « vendeur de vent »

Selon une enqupete publiée par Jeune-Afrique, une majorité de pays africains ont recours au services des lobbyistes : « Le nombre de leurs clients africains – qu’ils soient gouvernementaux ou non gouvernementaux – ne cesse de croître. Cinq pays y ont principalement recours: le Liberia, le Maroc, l’Afrique du Sud, l’Égypte et la RDC.

À Kinshasa, l’influence américaine est particulièrement forte. Depuis plusieurs années, représentants du pouvoir et de l’opposition ont pris l’habitude de s’attacher les services de cabinet. Alors que la prochaine élection présidentielle doit avoir lieu à la fin de l’année 2023, Félix Tshisekedi, Moïse Katumbi ou encore Martin Fayulu ne dérogent pas à la règle.

Parmi la centaine de lobbyistes, se détache l’Israélo-Canadien Ari Ben-Menashe, un homme d’affaires sulfureux qui promet à des dirigeants africains d’enjoliver leur image dans le monde, de leur faciliter des lignes de crédit auprès des instances monétaires internationales, de leur obtenir un arsenal militaire, des hélicoptères de combat russes ou un groupe de mercenaires, de style Wagner, pour assurer leur sécurité.

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Un profil inquiétant

Il a posé pied dans plusieurs pays, dont la Côte d’Ivoire, Centrafrique, Burkina Faso, etc… et là où Ari Ben-Menashe pose pied, il laisse un pays en crise.

Le lieutenant-colonel Damiba, Nabil Karoui, Denis Sassou Nguesso, Laurent Gbagbo, le général « Hemetti »… sont quelques-uns des clients de cet ancien agent du Mossad à l’agenda suspect et aux méthodes de travail criminelles. Car il sait cibler ses clients: des hommes politiques en difficulté ou des États en crise recherchant désespérément un soutien international.

Les élections sont son espace privilégié pour utiliser la High Tech israélienne au profit de potentiels candidats, soit en faisant une offre de service directe soit en sous-traitant, comme il l’a fait en Tunisie pour l’homme d’affaires Nabil Karoui contre le candidat Kaïs Essaied. Preuve par les faits que son consulting peut s’avérer totalement catastrophique, puisque son poulain dans la présidentielle, Nabil Karoui, a été laminé politiquement et économiquement par sa faute. Car une méthode pratiquée par Ari Ben-Maneshe est, une fois l’argent du »contrat » empoché, est de tout balancer aux médias internationaux, comme il l’a toujours fait.

Qui est-il ? Que veut-il ?

Ari Ben-Menashe est né en 1951, il est un homme d’affaires israélo-canadien, consultant en sécurité et auteur. Sa notice biographique le présente comme étant le patron de « Dickens and Madson », une société israélo-canadienne spécialisé dans le consulting et le lobbying.

Il était auparavant employé de la Direction du renseignement militaire israélien de 1977 à 1987, avant de s’expatrier à Montréal (comme le font tous les retraités et les « missionnés » du Mossad, qui continuent à alimenter le « service » en tant que civils).

Ari Ben-Menashe est né à Téhéran, en Iran, dans une famlille juive, puis a immigré en Israël à l’adolescence. Ses parents étaient des Juifs irakiens installés à Téhéran en 1945.

Il a servi pour les Forces de défense israéliennes dans le renseignement électromagnétique de 1974 à 1977.

En 1977, Ben-Menashe rejoint la Direction du renseignement militaire israélien. Il a déclaré plus tard : « J’étais la bonne personne au bon moment. Je parlais persan, arabe et anglais. Je connaissais les États-Unis. »

Dans son livre « Profits of War : Inside the Secret U.S.-Israeli Arms Network », Ben-Menashe a déclaré qu’après la révolution iranienne de 1979, ses origines iraniennes lui ont permis d’établir des liens utiles à Téhéran, certains de ses camarades d’école jouant un rôle dans le nouveau gouvernement.

Ces liens, a déclaré Ben-Menashe, l’ont conduit à jouer un rôle d’intermédiaire dans les efforts israéliens visant à vendre des armes à l’Iran et étaient proches de la décision du gouvernement israélien de soutenir les efforts de la « surprise d’octobre » de la campagne Reagan pour garantir que les otages américains détenus par l’Iran et ses alliés ont été libérés selon un calendrier qui a renforcé Ronald Reagan et non le président américain de l’apoque, Jimmy Carter.

Profits of War : Inside the Secret U.S.-Israeli Arms Network
Profits of War : Inside the Secret U.S.-Israeli Arms Network

Ben-Menashe a servi au sein de la Direction du renseignement militaire jusqu’en 1987, une fois sous la direction de Moshe Hebroni, l’adjoint du directeur de la direction, le général Yehoshua Sagi. Hebroni a déclaré à Craig Unger en 1992 : « Ben-Menashe servait directement sous mes ordres… Il avait accès à des documents très, très sensibles. »

En septembre 1986, Ben-Menashe opère des « fuites contrôlées » d’informations et livre au correspondant du Time, Raji Samghabadi, des infos de première main sur les expéditions d’armes vers l’Iran organisées par Richard Secord, Oliver North et Albert Hakim, qui sont devenues plus tard connues sous le nom d’affaire Iran-Contra. Samghabadi a déclaré plus tard : « Les informations qu’il m’a données étaient bouleversantes, et elles ont ensuite été corroborées par le Congrès. »

Selon Ben-Menashe, la fuite a été effectuée sur ordre d’Yitzhak Shamir, du Likoud, pour embarrasser le parti travailliste. son rival, Shimon Peres, dont le parti avait critiqué Shamir et le Likoud pour leurs activités secrètes telles que les opérations d’armement en Iran.

Un allié encombrant…même pour Israël

En novembre 1989, il a été arrêté aux États-Unis pour avoir violé la loi sur le contrôle des exportations d’armes pour avoir tenté de vendre trois avions de transport Lockheed C-130 Hercules à l’Iran en utilisant de faux certificats d’utilisateur final. Ben-Menashe a affirmé que le gouvernement israélien lui avait proposé un accord de plaidoyer.

Après avoir réalisé qu’Israël n’allait pas le soutenir, Ben-Menashe a commencé à accorder des interviews à des journalistes depuis sa prison sur des sujets tels que son rôle dans la Surprise d’Octobre et ses liens avec l’affaire Iran-Contra.

Ensuite, Israël a cherché à le discréditer, avec notamment une « source faisant autorité » déclarant au Jerusalem Post (27 mars 1990) que « l’establishment de la Défense « n’a jamais eu de contacts avec Ari Ben-Menashe et ses activités ». Les propos ont été abandonnées après que Ben-Menashe ait fourni à Robert Parry de Newsweek des références d’emploi provenant de sources de renseignement israéliennes.

Mais si ses démêlés avec Tel Aviv ont été récurents, son allégeance avec le Mossad était sans faille, car il continué, comme nous allons le voir, a alimenter le HaMossad d’informations sur les pays africains et à faire le travail d’une diplomatie de l’ombre.

Après presque un an de prison, il fut acquitté le 28 novembre 1990, un jury reconnaissant qu’il avait agi au nom d’Israël. Au cours de son procès, le passeport de Ben-Menashe a été présenté comme un autre élément de preuve démontrant qu’il était un gros poisson dans les forces de défense israéliennes.

Et maintenant l’Afrique!

Installé au Canada, il est en nouvelles missions pour le renseignement canadien, mais aussi pour ses bailleurs de fond et ses chefs opérationnels, de sorte que d’agent double il se transforme en agent triple, voire en agent multifacettes.

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Des dégats importants en Afrique par le trafic d’armes

Ben-Menashe est régulièrement débriefé par des agents des services de renseignement canadiens, interrogés sur ce qu’il sait sur le fonctionnement interne des gouvernements avec lesquels il était impliqué.

Ben-Menashe a de nouveau attiré l’attention des médias internationaux en 2002, lorsqu’il a affirmé que Morgan Tsvangirai, le chef du parti d’opposition du Zimbabwe, le Mouvement pour le changement démocratique, lui avait demandé d’aider à « éliminer » le président Robert Mugabe.

Ben-Menashe a produit une bande vidéo de conversations entre lui et Tsvangirai à Londres, en Angleterre, et à Montréal, où ce dernier semblait demander l’aide de Ben-Menashe en tant que consultant politique. À l’insu de Tsvangirai, le cabinet de conseil montréalais de Ben-Menashe, Dickens and Madson, travaillait pour Mugabe, et les enregistrements de la conversation ambiguë ont été transmis aux autorités zimbabwéennes, qui ont accusé Tsvangirai de trahison, passible de la peine de mort dans ce pays.

Des compte-rendus de la presse américaine épinglent également Ben-Menashe sur un autre volet: la drogue, et affirment qu’il a été embauché par Paul Le Roux, un baron international de la drogue et informateur de la DEA né dans l’ex-Rhodésie pour faire pression sur le gouvernement du Zimbabwe afin qu’il accorde des baux aux terres agricoles du Zimbabwe. Ben-Menashe a reçu plus de 14 millions de dollars américains de Le-Roux.

Là où il pose ses pieds…

La société de lobbying montréalaise de Ben-Menashe a été embauchée par le général soudanais Mohamed Hamdan Dagalo dans le cadre d’un contrat de 6 millions de dollars. La société, Dickens & Madson Inc, a signé un accord proposant de rechercher la reconnaissance du gouvernement, un financement et de « s’efforcer d’obtenir des financements et des équipements pour l’armée soudanaise » avec le général Mohamed Hamdane Doglo « Hemetti », dont les forces – à l’époque du « consulting de Ben-Manashe, ont perpétré le massacre de Khartoum, au cours duquel plus de 100 manifestants ont été tués.

Au Burkina Faso, Paul-Henri Sandaogo Damiba, militaire et homme d’État burkinabè, président de la Transition du Burkina Faso du 31 janvier au 30 septembre 2022, avait sollicité Ari Ben-Menashe pour défendre les intérêts économiques burkinabés.

Selon des sources à Ouagadoudou, le président Paul-Henri Sandaogo Damiba a embauché Ari Ben-Menashe et sa société de lobbying canadienne « Dickens and Madson » pour 500 000 $ afin de faire pression sur le Congrès et l’administration de Joe Biden pour qu’ils débloquent « tous les fonds gelés » et approuvent une subvention supplémentaire d’un montant non divulgué.

D’autres pays africains ont été pareillement « visités » par cet inquitant homme d’affaires.

Voilà en grosses lignes le profil d’un homme qu’on gagnerait, en Afrique, à connaitre mieux, à en revisiter le parcours, à revenir sur ses pas, pour mieux découvrir où cet homme a posé pied, avec qui il a diné, ce dont il avait été missionné et pour quels objectifs inavoués il avait réellement travaillé (Fin de la 1e partie).