Imad Mohamed Amine
Journaliste
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Au Mali, les rebelles du CSP (Cadre stratégique pour la défense du peuple de l’Azawad), signataires de l’accord de paix d’Alger de 2015 avec l’État malien, cherchent à établir un pacte de non-agression avec les jihadistes du Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans).
Il s’agit selon nos sources à Toumbouctou d’une « promesse » de non agression de part et d’autre, afin que la dernière tuerie – qui a fait une quarantaine de morts des deux cotés- ne se répètent pas. Intallah avait été dans un passé récent proche de Iyad Ag Ghali, l’actuel ched du Jnim, ce qui explique le rapprochement dans ce Pacte de non agression, Iyad étant lui-même un enfant de Kidal et un ancien chef de la rébellion du Nord-Mali.
Le 5 avril dernier, les rebelles du CSP étaient tombés dans une embuscade tendue par le Jnim alors qu’ils s’apprêtaient à mener une attaque contre un camp militaire malien dans le centre du pays. Les combats avaient fait des morts de part et d’autres -on parle d’une vingtaine dans chaque camp.
Il s’agit également d' »établir les priorités », nous assurent une source responsable au Nord-Mali, qui consiste pour le moment, de se tourner « vers un ennemi commun », en l’occurence « Bamako et ses mercenaires de Wagner », d’autant que « les Accords d’Alger ont été éliminés par les autorités de Transition ».
Un « Pacte de non agression »
Ce « pacte » de non agression a été révélé par une fuite lié à un message vocal d’Alghabass Ag Intalla, qui circule sur les réseaux sociaux depuis le 17 mai, et dans lequel cet important dirigeant du CSP demande à ses troupes de ne pas s’opposer à sa démarche.
C’est en tant que « chargé de la réconciliation, de la cohabitation et des relations avec les autorités traditionnelles » au sein du CSP qu’Alghabass Ag Intalla a entamé des discussions avec le Jnim, lié à al-Qaïda. Dans le message envoyé le 17 mai aux combattants du CSP, Alghabass Ag Intalla explique, sans rentrer dans les détails, avoir déjà obtenu certaines avancées et en espérer d’autres. Il demande à ses troupes de ne pas s’opposer à son initiative, qu’il juge nécessaire.
Les jihadistes s’étaient opposés à ce que les rebelles, historiquement implantés dans le Nord, mènent des opérations dans le centre et dans le sud du pays, que le Jnim considère comme son territoire. Une position qui n’a d’ailleurs pas évolué à ce jour, en dépit des discussions engagées.
Ces combats avaient toutefois surpris, car depuis que les autorités maliennes de transition ont rompu l’accord de paix de 2015 et chassé, en novembre dernier, le CSP de son fief de Kidal, rebelles et jihadistes affichent le même ennemi commun : l’armée malienne et ses supplétifs russes de Wagner.
Pacte de non-agression, libre circulation, partage d’informations
« Alghabass est mandaté par le directoire du CSP pour obtenir un pacte de non-agression », explique-t-on dans son entourage, afin de permettre « la libre-circulation des combattants, un partage d’informations sur les mouvements de l’ennemi commun -l’armée malienne et Wagner-, et pour protéger les populations ». « Pas question de mener des attaques conjointes », affirment en revanche unanimement tous les cadres du CSP joints par RFI, qui recherchent plutôt une forme de « coordination ». En clair, chacun continuerait à mener ses opérations de son côté, sans se mélanger mais sans se gêner.
Objectif : que rebelles et jihadistes concentrent respectivement leurs forces contre l’armée malienne et Wagner. Un volet « réparations » est également envisagé, après les combats d’avril dernier, pour obtenir notamment la libération de prisonniers et la restitution de véhicules. « Mais ça ne sera pas simple, confie un cadre rebelle, car il y a eu des morts dans les deux camps. »
« Nous avons tous été étonnés »
Toutefois, le CSP n’étant pas un mouvement homogène, beaucoup de chefs de la rébellion ne sont pas d’accord avec Intalla et refuse de traiter avec les groupes terroristes, et disent qu’en fait de « compromissions terroristes », c’est au contraire, Bamako qui cherche à composer avec le Jnim, comme l’indiquent les termes du projet du Dialogue inter-Maliens.
D’autres chefs estiment que ce Pacte de non agression, même s’il existe, est une « alliance tactique » car l’objectif et de faire face à Bamako et ses mercenaires au Nord-Mali qui multiplient les crimes et les exactions sur les populations civiles.