Fayçal Oukaci
Journaliste, spécialiste des questions de sécurité
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Pour Wagner, les temps sont dures. Les terres arides du Nord-Mali sont inhospitalières, périlleuses, voire assassines, loin de la froide Russie.
La débâcle de Tin-Zawatine est un coup dur pour le prestige, comme pour le contrat paraphé avec Bamako. Les 84 membres du groupe tués par la Coordination des mouvements de l’Aazawd sont la première défaire de Wagner en Afrique; comme pour les Etats Unis en Somalie en 1993 (affaire de Mogadiscio, « Black Hawk »), les Russes apprennent dans la douleur.
Mondialement propagée grâce à Internet et sur les réseaux sociaux, la débâcle de Tin-Zawatine restera dans toutes les mémoires. Tués ou faits prisonniers, les membres de Wagner ont d’un coup perdus de leur superbe. L’invincible Task Force du Kremlin a été mis à terre. C’est cette image qui est propagée depuis le 27 juillet dans tous les médias.
Wagner, le défi des sables
Rompu à la guerre dans les espaces urbains et les villes froides de Russie et d’Ukraine, Wagner n’est pas en territoire conquis dans les vastes contrées désertiques ou « juste-là est synonyme de 500 km.
Wagner agit dans une autre dimension que celle qu’il a connue jusque-là, et il doit prendre en ligne de compte ces élements où le soleil, le sable, la visibilité, l’ennemi qui surgit de nulle part, la soif, l’insollation et les mirages sont les moindres maux.
Il est évident qu’après la défaite retenissante de Tin-Zawatine, l’Occident à crié victoire, accentuant encore plus la frustration russe. Mais c’est là une guerre médiatique de moyenne intensité qui passe en seconde priorité.
Le temps des calculs
Aujourd’hui, le temps est aux calculs et à la révision des copies. Wagner a fait confiance en les FaMa, qui ont dirigé les patrouilles et orienté les itinéraires. Le résultat on l’a vu.
Aussi, d’après nos sources au Mali, Wagner est en train de revoir ses stratégies au Nord-Mali. Il s’agit non plus de foncer tête la première sur un ennemi diffus mais de bien dresser une cartographie des groupes armés, faire le distingo entre rebelles et terroristes, car il y a toujours moyen de parlementer avec les premiers; d’autant que les grosses pertes que subissent Wagner et les FaMa sont l’oeuvre de Nosrat al-islam de Iyad Ag Ghali.
Ouvrir plusieurs fronts de combats en même temps, c’est aller à sa perte. Aussi Wagner a demandé à Koulouba de ne plus agir qu’en connaissance de cause; d’essayer de gagner la sympathie des populations du Nord-Mali et de coordonner avec les groupes rebelles amis et qui se trouvent au nord du pays.
Une révision générale de la stratégie de la part de Wagner est en train d’être mise sur rails. Est-ce sur insistance du Kremlin? On ne le sait pas. Car il faut garder à l’esprit de Moscou sait qu’Alger peut être un élément essentiel dans le puzzle malien. Les rush de Wagner sur le habitations du Nord-Mali et la transposition de la guerre d’Ukraine à ses portes sud ne plait pas à l’Algérie, qui l’a fait savoir à plusieurs reprises.
Un dossier explosif, à suivre et à surveiller comme le lait sur le feu, d’autant que le jeu trouble du maréchal Khalifa Haftar sur le tableau est un autre élément déclencheur de crise.
La sous-traitance de la guerre par pays du Sahel interposée est un jeu dangereux; et les premiers à en payer le prix seront certainement les « pays du champ ».